SUR PIERRB DE LESTOILE.                             j 5
Nous croyons devoir jeter d'abord un coup d'oeil sur l'ensemble de ses Mémoires, et faire remarquer ce qui les caractérise en général; nous examinerons en­suite les différentes parties dont ils se composent.
Les Mémoires de L'Estoile ont beaucoup de rapports avec les chroniques de Jean de Troyes sur le règne de Louis xi. Ces deux écrivains rapportent les événemens tels qu'ils sont parvenus à la connoissance du public, et peignent l'effet qu'ils ont produit sur les esprits. Us donnent une juste idée des bruits populaires, de leur origine souvent si incertaine, et de leur chute plus rapide encore que leur accroissement ; ils ne cherchent ni à expliquer les faits, ni à remonter aux causes. La lecture isolée de leurs Mémoires ne procureroit que des notions très - imparfaites sur l'histoire du temps; mais elle devient aussi curieuse qu'instructive lors­qu'on a lu les relations des hommes d'Etat qui présen­tent les choses sous leur véritable point de vue, qui dévoilent les ressorts secrets de la politique, les intérêts opposés des factions, et les motifs particuliers qui font agir les divers personnages. Alors on est à même de bien apprécier le jeu des intrigues, dont le résultat trompe si souvent ceux qui les ont dirigées avec le plus d'habileté.
On trouve dans L'Estoile, ainsi que dans Jean de Troyes, des détails précieux sur les mœurs, les habi­tudes , les usages et la vie intérieure des habitans de Paris. Aucun ouvrage ne fait mieux connoître la capi­tale telle qu'elle étoit sous Louis xr, sous Henri iii et sous Henri iv. L'Estoile, qui n'a commencé à écrire que cent ans après Jean de Troyes, a de grands avan­tages sur lui. Son style est plus piquant et moins dif-
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